La Mesnie Enguerran 1360 - 1420

La Mesnie Enguerran 1360 - 1420

Duchesse Anne Dauphine: Eléments de biographie

Anne Dauphine d'Auvergne, comtesse de Forez, 
née en 1358, morte en 1417 à Cleppé (Loire) et inhumée dans la prieurale de Souvigny, près de Moulins, aux côtés de son époux Louis II de Bourbon, est la fille de Béraud II, dauphin d'Auvergne, et de Jeanne de Forez.

Anne appartient à la maison d'Auvergne, à celle d'Albon par sa mère, et par mariage elle entre dans la maison de Bourbon.

Elle épousa en 1371 Louis II (1337 - †1410), duc de Bourbon, et eut :

   * Catherine (1378 - †jeune)
   * Jean Ier (1381 - †1434), duc de Bourbon
   * Isabelle (1384 † après 1451)
   * Louis, seigneur de Beaujolais (1388 - †1404)

En 1372, son oncle maternel Jean II, comte de Forez, mourut sans enfants, et elle hérita du comté.
 
 
La maison d'Anne Dauphine se composait, en 1383, de 36 personnes :
Le seul officier affecté au château parait avoir été maître Pierre Joly, fontenier (de Moulins) et "portier de l'ostel Madame à Sovigny".
 
 
Nous savons peu de chose sur l’enfance d’Anne Dauphine. Elle fut le seul enfant du dauphin Béraud II et de Jeanne de Forez. Sa mère, Jeanne de Forez, est morte à 22 ans, en 1359. Sa fille Anne Dauphine avait à peine 1 an. Elle fut sans doute, comme c’était l’usage, confiée à une nourrice. Les enfants, filles et garçons, étaient d’abord uniquement élevés par les femmes. Enfance à Vodable, enfance qu’on imagine rustique, dans un petit château fort au cœur de l’Auvergne…
 
La promesse de mariage de Louis II et d’Anne Dauphine datait de juillet 1368, au moment du « coup d’état » contre Renaud de Forez. Mais la jeune fille n’avait alors que 10 ans. En 1371, « âgée de douze ans et plus », elle est considérée comme nubile. Le mariage a lieu, avec dispense pontificale, le 19 août 1371 à Ardes-sur-Couzes, dans le dauphiné d’Auvergne, sans doute au château de Mercoeur qui se trouve sur cette paroisse. Louis II conduisit ensuite sa jeune épouse en Forez pour qu’elle fît connaissance de son comté qu’elle avait à peine vu trois ans auparavant, puis de là gagna Moulins et ensuite Paris. Comme Louis II était toujours en campagne, pendant les sept années qui suivirent, Anne Dauphine resta souvent à la Cour de France (au Louvre), près de sa belle-sœur, la reine Jeanne de Bourbon, femme de Charles V (qu’il ne faut pas confondre avec la veuve de Guy VII, grand-mère d’Anne Dauphine).

L’auteur de la « Chronique du bon duc Louis » écrit que les deux époux, Louis II et Anne Dauphine, « se aimoient de vraie amour ». Il faut sans doute faire la part des choses : le mariage a été arrangé et les deux mariés ont une grande différence d’âge. Le chroniqueur écrit « en service commandé », à la gloire du duc. Mais Olivier Troubat fait remarquer deux choses :
- Louis II n’a pas rompu la promesse de mariage pendant cette période 1368-1371 bien qu’Anne Dauphine n’ait pas été sûre d’hériter du comté.
- Pendant dix ans, la jeune duchesse n’eut pas d’enfant, ce qui aurait pu être un prétexte
pour une demande d’annulation : Louis II ne l’a pas fait. L’Eglise ne résistait pas toujours,
dans ce domaine, à la pression des Grands. 
 
Le 15 mai 1372, le comte Jean II mourut, âgé de vingt-neuf ans. Les obsèques furent réglées par le bâtard de Bourbon, car Louis II de Bourbon chevauchait alors en Guyenne et Anne Dauphine était à la Cour de France. Le corps du pauvre comte Jean II fut ramené à Montbrison. Il fut inhumé avec honneur dans le tombeau des comtes de Forez devant le grand autel de la
collégiale Notre-Dame d’Espérance.

L’habileté du duc de Bourbon
Le droit aurait voulu qu’Anne Dauphine héritât immédiatement du comté de Forez. Sa grand-mère Jeanne de Bourbon fit cependant valoir la donation que lui avait faite Jean II. Louis II et Anne Dauphine, avec habileté, ne s’y opposèrent pas. On adopta une étonnante solution de compromis : Louis et Anne Dauphine prirent le titre comtal dès 1372 et Louis II fit hommage au roi du comté de Forez. Mais Jeanne de Bourbon porte aussi ce titre tant convoité, sans préciser qu’elle n’est que douairière. Le duc Louis II et sa tante convinrent alors de faire des nominations communes pour les offices les plus importants. 
L’attitude de Louis II et d’Anne Dauphine se révéla habile. Jeanne de Bourbon donna progressivement tous ses biens et droits à Anne Dauphine. Elle ne fait d’ailleurs les donations les plus importantes qu’en 1382, lorsque, quelques mois plus tôt, après dix ans de mariage, Anne Dauphine a eu enfin un héritier, Jean de Bourbon, né en 1381. La continuité dynastique est assurée. Jeanne de Bourbon peut alors commencer à se séparer complètement des biens de ce monde. Elle vécut encore 20 ans, mourut au château de Cleppé, âgée de 92 ans, le 30 décembre 1402, faisant donation de tous les biens qui lui restaient au couple ducal. Elle fut enterrée dans la chapelle des Cordeliers de Montbrison. Le duc Louis II administrait de fait le comté depuis longtemps…
 
Anne Dauphine et Louis II eurent quatre enfants :
1/ Jean de Bourbon, né en mars 1381, comte de Clermont, devenu en 1410 le duc Jean Ier de Bourbon. Il épouse à Paris en 1401 Marie de Berry, fille de Jean de France, duc de Berry, luimême frère de Charles V, et de Jeanne d’Armagnac. Il commanda l’avant-garde à Azincourt (1415) où il fut fait prisonnier. Il est mort en captivité à Londres en 1434 après être resté prisonnier
pendant 19 ans en Angleterre. Son corps fut ramené à Souvigny où il est enterré.
2/ Louis de Bourbon, mort de maladie à 17 ans à l’hôtel de Bourbon à Paris, près du Louvre, le 12 septembre 1404. Il fut inhumé dans l’église des Jacobins où un mausolée fut construit.
3/ Catherine, morte en bas âge.
4/ Isabelle de Bourbon qui souhaita ne pas se marier et resta avec sa mère jusqu’à la mort de celle-ci. Elle fut ensuite religieuse au monastère de Poissy.
De ces quatre enfants, Anne Dauphine n’eut de petits-enfants légitimes  que de son fils aîné, le futur duc Jean Ier de Bourbon : Charles, le futur Charles Ier de Bourbon ; Louis de Bourbon, dont la mort à l’âge de dix ans en 1412 fut un grand chagrin pour Anne Dauphine ; Louis, comte de Bourbon-Montpensier sur lequel elle reporta son affection.
 
La vie quotidienne : entre Paris et le Bourbonnais
La vie d’Anne Dauphine s’est partagée entre Paris et le Bourbonnais. A Paris, elle est à la Cour de France auprès du roi et de la reine sa belle-sœur. Le roi Charles V meurt en 1380. Les liens familiaux sont désormais distendus. Le royaume, avec la folie de Charles VI, entre dans une période de turbulences, bientôt de guerre civile. Anne Dauphine vient davantage en Bourbonnais.
Elle réside tantôt à Souvigny, tantôt à Moulins :
- A Souvigny, les vestiges de l’hôtel ducal sont aujourd’hui occupés par le musée, près du prieuré et de l’église qui est la nécropole des ducs de Bourbon. 
 
Anne Dauphine, comtesse de Forez
Anne Dauphine était comtesse de Forez à titre personnel. Comme le Forez était un fief et non un apanage, elle pouvait administrer ses biens. Son époux était comte de Forez et administrait, avec elle, l’ensemble de ses biens. Ils venaient régulièrement en Forez, logeaient dans le château féodal de Montbrison, recevaient les comptes rendus de leurs officiers, surveillaient les travaux en cours, en particulier ceux de la collégiale Notre-Dame et recevaient dans celle-ci l’hommage de leurs vassaux. Ils parcouraient le Forez. Un vitrail de la collégiale de Saint-Bonnet-le-Château montre, en 1403, Anne Dauphine sortant de son oratoire près de la collégiale.
Comme le duché de Bourbon, le Forez était lui aussi un état. L’administration centrale du comté de Forez et ses différents services s’étaient mis en place à Montbrison aux XIIIe  et XIVe siècles, faisant de la ville le centre d’un véritable Etat, avec son souverain, ses institutions et ses fonctionnaires : la chancellerie (vers 1200) ; la cour de Forez chargée de la justice et dirigée par un bailli ; le trésor comtal, la chambre des comptes fondée dès 1317 et qui servit même de modèle pour la création de celle du Bourbonnais. Au total, cette administration employait 150 à 200 personnes, membres du conseil, de la cour de Forez, auditeurs de la chambre des comptes, juge de Forez, juge des appeaux, chancelier, trésorier, sergent général du comté, garde des étangs du comte, recteurs de l’hôtel-Dieu mais aussi tout un peuple de « clercs aux papiers », huissiers, scribes, sergents, gardes et jardiniers de l’hôtel du comte. Elle assurait le bon fonctionnement du comté et s’était révélée suffisamment solide pour maintenir la continuité de l’Etat pendant les dix ans de la folie de Jean II et les secousses politiques qu’elle avait engendrées. Le duc-comte eut aussi l’habileté de continuer à nommer une majorité de Foréziens dans un grand nombre de postes. Ainsi, les Foréziens n’avaient-ils pas l’impression d’être administrés par un état « étranger ». Les notables et les membres de la petite noblesse forézienne y trouvaient leur compte.

Pour pallier son éloignement, Louis II apporta cependant quelques modifications dans l’administration du comté de Forez :
• Un conseil de Forez se mit en place formé des principaux officiers de la province. Ils résidaient à Montbrison et étaient maintenus longtemps en place. Les administrateurs bourbonnais et foréziens se côtoyaient.
• On créa aussi au début du XIVe  siècle les trois états du pays et comté de Forez. Ces états se réunirent régulièrement à partir de 1375, 41 fois entre 1375 et 1416. Ils étaient convoqués par le duc-comte qui présidait parfois personnellement cette assemblée
réunissant les représentants de la noblesse, du clergé et du tiers-état foréziens. La veille de la réunion, un banquet (une « disnée ») réunissait les députés. Le lendemain matin, ils assistaient à la messe puis se rendaient dans la salle de la Diana, à Montbrison, où le duccomte ouvrait la séance. Il exposait la situation, généralement la nécessité de lever un impôt extraordinaire, un « fouage » destiné à financer la guerre, l’expédition de Barbarie ou acheter une seigneurie.

Quel est le bilan de l’administration bourbonnaise du Forez ? Le poids de la fiscalité bourbonnaise a été lourd pour un Forez déjà largement touché par la peste et le reflux de son économie. En contrepartie, le Forez connut la paix intérieure et fut défendu par l’état central bourbonnais. En 1387, Pierre de Nourry, lieutenant général du duc, vint à Montbrison avec une armée pour « mettre ordonnance en la garde du païs de Forez ». Cette paix intérieure, dans un contexte pourtant troublé, permettait à l’économie de se maintenir. 
 
Le rôle politique d’Anne Dauphine pendant la guerre de Cent ans
Le rôle diplomatique d’Anne Dauphine fut très important : la guerre de Cent ans continuait à ravager le pays, déchiré entre Armagnacs et Bourguignons. Le duc Jean Ier de Bourbon, son fils, hésitait entre les partis du duc d’Orléans et du duc de Bourgogne et, finalement, pencha du côté du parti d’Orléans et combattit les Bourguignons. Anne Dauphine mena, elle, sa propre politique, une « politique d’abstinences de guerre » : expression qui désigne, de façon éclairante, une politique de neutralité marquée par la conclusion de trêves successives. Le but d’Anne Dauphine était avant tout de protéger de la guerre et des incursions bourguignonnes le Forez et le Beaujolais qui faisaient partie de son douaire.

- D’une part, elle continue de prêter hommage de ses terres beaujolaises - qui sont en dehors du royaume - à Jean sans Peur, duc de Bourgogne, suzerain du Beaujolais. Son suzerain ne peut, sauf à se rendre coupable de forfaiture, s’en prendre à un vassal qui lui manifeste régulièrement sa loyauté.
- D’autre part, elle défend les droits foréziens par rapport aux agents du roi - le roi de France est suzerain du comté de Forez - qui voudraient manifester trop de zèle dans l’affirmation des droits de leur maître vis-à-vis d’un vassal qu’ils pousseraient volontiers « à la faute » puisqu’il semble hésiter. Anne Dauphine est donc à la fois, vis-à-vis du roi, loyale et ferme. Cette politique de neutralité peut sembler s’opposer à celle de son fils Jean Ier de Bourbon qui a pris parti pour la faction d’Orléans. André Leguai y voit une complémentarité : le duc de Bourbon a pris le parti des Armagnacs. Anne Dauphine protège, elle, les flancs du domaine bourbonnais tout entier en tenant le Forez et le Beaujolais à l’écart de la guerre. Pourrait-on dire que Jean Ier était « l’épée » et Anne Dauphine sa mère le « bouclier » ? Y a-t-il eu concertation ?

Difficile à dire. En tout cas, des deux côtés, on essaya, en vain, de séparer la mère et le fils. On mesure ici les subtilités infinies de cette partie d’échecs qui se jouait à l'échelle d’un royaume  ravagé par la guerre civile…

Quelles sont les étapes et les manifestations, voire les manœuvres, de cette politique d’Anne Dauphine ?
- En 1412, Anne Dauphine engage des négociations avec les agents du roi. Le 25 avril 1412, elle conclut un accord avec le bailli royal de Mâcon, Amé de Viry. Elle jure obéissance au roi tandis que le bailli s’engage à ne laisser commettre aucun acte de guerre contre les terres d’Anne Dauphine. Le 18 mai 1413, le roi mande à ses sergents de « maintenir » Anne Dauphine en possession des droits dont elle a joui « paisiblement en toute ancienneté ». Et le 20 mai 1413, deux jours plus tard, Anne Dauphine obtient du roi l’annulation des procédures visant à Lyon et à Mâcon certains de ses sujets foréziens.
- Le 26 avril 1412 - le lendemain de l’accord signé avec Amé de Viry - Anne Dauphine donne procuration à Philibert de Lespinasse pour rendre l’hommage au duc de Bourgogne Jean sans Peur pour les terres beaujolaises. L’hommage ne fut sans doute pas prêté tout de suite puisque le 5 août suivant Anne Dauphine donne une nouvelle procuration, cette fois à Guichard d’Urfé, pour prêter cet hommage. En mars 1414, le bailli de Chalon vint à Cleppé, résidence d’Anne Dauphine en Forez, recevoir l’hommage de la duchesse douairière.
Paris passe sous le contrôle des Armagnacs pendant l’été 1413. Anne Dauphine continue cependant d’avoir des relations loyales avec la Bourgogne et les accords signés sont renouvelés en 1414.

D’ailleurs, à l’initiative d’Anne Dauphine, les commissaires bourbonnais eux-mêmes et les commissaires bourguignons signent un accord « d’abstinences de guerre » en juin 1414 : Jean Ier donne ainsi son aval à la politique de sa mère. S’il a participé personnellement et souvent brillamment à la lutte contre le duc de Bourgogne, il a laissé le plus possible ses possessions loin du conflit. Le Forez, en tout cas, est resté, grâce à Anne Dauphine, en dehors de la guerre civile.
La guerre anglaise a repris. Jean Ier de Bourbon est fait prisonnier le 25 octobre 1415 à Azincourt, l’un des plus grands désastres militaires de notre histoire. Il meurt en Angleterre après 19 ans de captivité. La duchesse de Bourbon, Marie de Berry, assure la régence. Deux femmes sont donc aux commandes de l’état bourbonnais, d’une part, et du Forez, d’autre part. La bru et la belle-mère ont continué la même politique.

Mort d’Anne Dauphine
Anne Dauphine est morte, âgée de 59 ans, à Cleppé le 21 septembre 1417, entourée par sa fille Isabelle et quelques-uns des grands officiers du comté. Elle avait demandé que, après sa mort, son corps soit ramené à Moulins. Le 22 septembre 1417, une litière tirée par plusieurs chevaux et portant le cercueil d’Anne Dauphine prit la tête d’un convoi composé de ses serviteurs, des principaux officiers du comté de Forez et de plusieurs gentilshommes montbrisonnais pour l’accompagner de Cleppé à Souvigny. Elle fut inhumée dans la chapelle de l’abbatiale où reposait Louis II. Un tombeau fut édifié avec, côte à côte, les gisants du duc et de la duchesse de Bourbon. Elle porte la couronne ducale. Sa tête repose sur un coussin fleurdelysé parsemé de dauphins : le dauphin d’Auvergne et celui du Forez... 
 Lien vers une étude publiée sur ce personnage et dont nous avons tiré plusieurs éléments ci dessus:  Livret


11/08/2022
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